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LE CAPITAINE FRACASSE.

ches qui sied mieux à ma corpulence. Va devant, » ajouta-t-il, en retournant La Râpée et le mettant à califourchon dans l’autre sens.

La Râpée se laissa glisser et le Tyran le suivit. Arrivé au bas de l’arbre, ayant Hérode derrière lui, le spadassin discerna sur le bord du fossé un groupe en sentinelle composé d’Agostin, d’Azolan et de Basque. « Ami, » leur cria-t-il à haute voix, et tournant la tête, il dit à voix basse au comédien : « Ne sonnez mot et marchez sur mes talons. »

Quand ils eurent pris pied, La Râpée s’approcha d’Azolan et lui souffla le mot d’ordre à l’oreille. Puis il ajouta : « Ce compagnon et moi nous sommes blessés et nous allons nous retirer un peu à l’écart pour laver nos plaies et les bander. »

Azolan fit un signe d’acquiescement. Rien n’était plus naturel que cette fable. La Râpée et le Tyran s’éloignèrent. Quand ils furent engagés sous le couvert des arbres qui, bien que dénués de feuilles, suffisaient à les cacher, la nuit aidant, le spadassin dit à Hérode : « Vous m’avez généreusement octroyé la vie. Je viens de vous sauver de la mort, car ces trois gaillards vous eussent assommé. J’ai payé ma dette, mais je ne me regarde point comme quitte ; si vous avez jamais besoin de moi, vous me trouverez. Maintenant allez à vos affaires. Je tourne par ici, tournez par là. »

Hérode, resté seul, continua à suivre l’allée, regardant, à travers les arbres, le maudit château où il n’avait pu pénétrer à son grand regret. Aucune lumière ne brillait aux fenêtres, excepté du côté de l’attaque,