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LA BAGUE D’AMÉTHYSTE.

neutre dans le combat, je vais te déclouer du gibet d’où tu pends comme le mauvais larron.

— Je le jure, râla d’une voix sourde La Râpée à bout de forces ; mais faites vite, par pitié, je tombe. »

De sa poigne herculéenne, Hérode saisit le bras du maraud et remonta, grâce à sa vigueur prodigieuse, le corps jusque sur l’arbre où il le mit à cheval en face de lui, le maniant avec autant d’aisance qu’une poupée de chiffon.

Quoique La Râpée ne fût pas une petite maîtresse sujette aux pâmoisons, il était presque évanoui lorsque le brave comédien le retira de l’abîme, où, sans la large main qui le soutenait, il serait retombé comme une masse inerte.

« Je n’ai pas de sels à te faire respirer ni de plumes à te brûler sous le nez, lui dit le Tyran, en fouillant à sa poche ; mais voici un cordial qui te remettra, c’est de la pure eau-de-vie d’Hendayes, de la quintessence solaire. »

Et il appliqua le goulot de la bouteille aux lèvres du bretteur défaillant.

« Allons, tète-moi ce petit-lait ; deux ou trois gorgées encore, et tu seras vif comme un émerillon qu’on décapuchonne. »

Le généreux breuvage agit bientôt sur le spadassin, qui remercia Hérode de la main et agita son bras engourdi pour lui faire reprendre sa souplesse.

« Maintenant, dit Hérode, sans plus nous amuser à la moutarde, descendons de ce perchoir où je n’ai pas toutes mes aises, sur le sacro-saint plancher des va-