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LA BAGUE D’AMÉTHYSTE.

que dans ces entreprises hasardeuses, des camarades soldés par des intérêts divers se rencontrassent la flamberge ou la dague au vent, mais cela ne faisait point scrupule.

On n’a pas oublié que La Râpée, Agostin, Mérindol, Azolan et Labriche, franchissant le fossé dans la barque dès le commencement de l’attaque, étaient sortis du château pour opérer une diversion et tomber sur les derrières de l’ennemi. Ils avaient en silence contourné le fossé et étaient arrivés à l’endroit où, détaché de son tronc, le grand arbre tombé en travers de l’eau servait à la fois de pont volant et d’échelle aux libérateurs de la jeune comédienne. Le brave Hérode, comme on le pense bien, n’avait pas manqué d’offrir son bras et son courage à Sigognac, qu’il prisait fort et qu’il eût suivi jusque dans la propre gueule de l’enfer, quand bien même il ne se fût point agi de la chère Isabelle aimée de toute la troupe et de lui particulièrement. Si on ne l’a pas encore vu figurer au plus fort de la bataille, cela ne tient nullement à sa couardise ; car il avait du cœur, bien qu’histrion, autant qu’un capitaine. Il s’était engagé sur l’arbre à califourchon, comme les autres, se soulevant des mains et avançant par secousses aux dépens de sa culotte dont le fond s’éraillait aux rugosités de l’écorce. Devant lui chevauchait tant bien que mal le portier de la comédie, déterminé gaillard habitué à jouer des poings et à se débattre contre les assauts de la foule. Le portier, arrivé à l’endroit où les rameaux se bifurquaient, empoigna une grosse branche et continua son