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LA BAGUE D’AMÉTHYSTE.

ses mains et courut vers la fenêtre ; mais Vallombreuse la reprit, lui fit quitter la terre et l’emporta vers le fond de l’appartement.

« Sauvez-moi, cria-t-elle d’une voix faible, se sentant à bout de force, sauvez-moi, Sigognac ! »

Un bruit de branches froissées se fit entendre, et une forte voix qui semblait venir du ciel jeta dans la chambre ces mots : « Me voici ! » et avec la vitesse de l’éclair, une ombre noire passa entre les quatre bretteurs, poussée d’un tel élan qu’elle était déjà au milieu de la pièce lorsque quatre détonations de pistolets éclatèrent presque simultanément. Des nuages de fumée se répandirent en épais flocons qui cachèrent quelques secondes le résultat de ce feu quadruple ; quand ils furent un peu dissipés, les bretteurs virent Sigognac, ou pour mieux dire le capitaine Fracasse, car ils ne le connaissaient que sous ce nom, debout, l’épée au poing et sans autre blessure que la plume de son feutre coupée, les batteries à rouet des pistolets n’ayant pu partir assez vite pour que les balles l’atteignissent en ce passage aussi inattendu que rapide. Mais Isabelle et Vallombreuse n’étaient plus là. Le duc avait profité du tumulte pour emporter sa proie à moitié évanouie. Une porte solide, un verrou poussé s’interposaient entre la pauvre comédienne et son généreux défenseur, déjà bien empêché par cette bande qu’il avait sur les bras. Heureusement, vive et souple comme une couleuvre, Chiquita, dans l’espérance d’être utile à Isabelle, s’était glissée par l’entre-bâillement de la porte sur les pas du duc, qui, en ce