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LE CAPITAINE FRACASSE.

que ces quatre hommes au visage noir, immobiles et silencieux comme des spectres.

« Retirez-vous ou masquez-vous, dit Malartic d’une voix basse à Vallombreuse, il est inutile qu’on vous voie en cette rencontre.

— Que m’importe, répondit le jeune duc, je ne crains personne au monde, et ceux qui m’auront vu n’iront pas le dire, ajouta-t-il en agitant son épée d’une façon menaçante.

— Emmenez au moins dans une autre pièce Isabelle, l’Hélène de cette autre guerre de Troie, qu’une pistolade égarée pourrait gâter d’aventure, ce qui serait dommage. »

Le duc, trouvant le conseil judicieux, s’avança vers Isabelle qui se tenait abritée avec Chiquita derrière un bahut de chêne, et la prit dans ses bras quoiqu’elle s’accrochât de ses doigts crispés aux saillies des sculptures et fît aux efforts de Vallombreuse la résistance la plus vive ; cette vertueuse fille, surmontant les timidités de son sexe, préférait rester sur le champ de bataille, exposée à des balles et pointes d’épée qui n’eussent tué que sa vie, à demeurer seule avec Vallombreuse abritée du combat, mais exposée à des entreprises qui eussent tué son honneur.

« Non, non, laissez-moi, » s’écriait-elle en se débattant et en se rattrapant d’un effort désespéré au chambranle de la porte, car elle sentait que Sigognac ne pouvait être loin. Enfin le duc parvint à entr’ouvrir le battant, et il allait entraîner Isabelle dans l’autre pièce, lorsque la jeune femme se dégagea de