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VALLOMBREUSE.

par le sieur Honoré d’Urfé, qui traînait oublié sur une console. Elle essaya d’attacher sa pensée à cette lecture. Mais ses yeux seuls suivaient machinalement les lignes. L’esprit s’envolait loin des pages, et ne s’associait pas un instant à ces bergerades déjà surannées. D’ennui, elle jeta le volume et se croisa les bras dans l’attente des événements. À force de faire des conjectures, elle s’en était lassée, et sans chercher à deviner comment Sigognac la délivrerait, elle comptait sur l’absolu dévouement de ce galant homme.

Le soir était venu. Les laquais allumèrent les bougies, et bientôt le majordome parut annonçant la visite du duc de Vallombreuse. Il entra sur les pas du valet et salua sa captive avec la plus parfaite courtoisie. Il était vraiment d’une beauté et d’une élégance suprêmes. Son visage charmant devait inspirer l’amour à tout cœur non prévenu. Une veste de satin gris de perle, un haut-de-chausses de velours incarnadin, des bottes à entonnoir en cuir blanc remplies de dentelles, une écharpe de brocart d’argent soutenant une épée à pommeau de pierreries, faisaient merveilleusement ressortir les avantages de sa personne, et il fallait toute la vertu et constance d’Isabelle pour ne point en être touché.

« Je viens voir, adorable Isabelle, dit-il en s’asseyant dans un fauteuil près de la jeune femme, si je serai mieux reçu que mon bouquet ; je n’ai pas la fatuité de le croire, mais je veux vous habituer à moi. Demain, nouveau bouquet et nouvelle visite.

— Bouquets et visites seront inutiles, répondit Isa-