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LE CAPITAINE FRACASSE.

et garder la barque, en cas où l’ennemi voudrait s’en emparer pour pénétrer dans la place. Aussi bien, tu ne parais pas fort solide sur ton socle. Nous autres, nous allons faire la patrouille et battre un peu les buissons, afin d’en faire envoler les oiseaux. »

Malartic, suivi de ses deux acolytes, se promena autour du château pendant plus d’une heure, sans rien rencontrer de suspect ; et quand il revint à son point de départ, il trouva La Râpée qui dormait debout adossé à un arbre.

« Si nous étions une troupe régulière, lui dit-il en l’éveillant d’un coup de poing, je te ferais passer par les armes pour avoir tapé de l’œil en faction, chose contraire à toute bonne discipline martiale ; mais puisque je ne puis te faire arquebuser, je te pardonne et te condamne seulement à boire une pinte d’eau.

— J’aimerais mieux, répondit l’ivrogne, deux balles dans la tête, qu’une pinte d’eau sur l’estomac.

— Cette réponse est belle, fit Malartic, et digne d’un héros de Plutarque. Ta faute t’est remise sans punition, mais ne pèche plus. »

La patrouille rentra, et la barque fut soigneusement rattachée et cadenassée avec les précautions dont on use dans une place forte. Satisfait de son inspection, Malartic se dit à lui-même : « Si la charmante Isabelle sort d’ici, ou si le valeureux capitaine Fracasse y entre, car il faut prévoir les deux cas, que mon nez devienne blanc ou que ma face rougisse. »

Restée seule, Isabelle ouvrit un volume de l’Astrée,