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VALLOMBREUSE.

cédente, entre Vallombreuse et Paris. Le retour à cheval, allure qui ne lui était pas habituelle, l’avait peut-être fatiguée davantage. Quoique son frêle corps eût la vigueur de l’acier, elle était rompue, et son sommeil était si profond qu’elle semblait morte.

« Comme cela dort, ces enfants ! dit Malartic qui s’était enfin éveillé ; malgré notre bacchanal, elle n’a fait qu’un somme ! Holà ! vous autres, aimables brutes, tâchez de vous dresser sur vos pattes de derrière, et allez dans la cour vous répandre un seau d’eau froide sur la tête. La Circé de l’ivresse a fait de vous des pourceaux ; redevenez hommes par ce baptême, et ensuite nous irons faire une ronde pour voir s’il ne se trame rien en faveur de la beauté dont le seigneur Vallombreuse nous a confié la garde et la défense. »

Les bretteurs se soulevèrent pesamment et sortirent non sans dessiner quelques crochets de la table à la porte, pour obtempérer aux prescriptions si sages de leur chef. Quand ils furent à peu près rentrés en leur sang-froid, Malartic prit avec lui Tordgueule, Piedgris et La Râpée, se dirigea vers la poterne, ouvrit le cadenas qui fermait la chaîne de la barque amarrée à la porte d’eau de la cuisine, et le batelet, poussé par une perche et déchirant le manteau glauque des lentilles aquatiques, aborda bientôt à un étroit escalier pratiqué dans le revêtement de la douve.

« Toi, dit Malartic à La Râpée, quand ses hommes eurent monté sur le revers du talus, tu vas rester là