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VALLOMBREUSE.

de la corde à la branche, et s’y suspendit comme la veille : mais elle n’était pas à moitié chemin, que le nœud se défit, à la grande frayeur d’Isabelle, et se détacha de l’arbre. Au lieu de tomber dans l’eau verte du fossé, comme on pouvait le craindre, Chiquita dont cet accident, si c’en était un, n’avait pas troublé la présence d’esprit, vint donner avec la corde retenue au balcon par le crampon de fer contre la muraille du château, au-dessous de la fenêtre, qu’elle eut bientôt gagnée, en s’aidant des mains et des pieds qu’elle appuyait contre la paroi. Puis elle enjamba le balcon et sauta légèrement dans la chambre ; et, voyant Isabelle toute pâle, et presque évanouie, elle lui dit avec un sourire :

« Tu as eu peur et tu as cru que Chiquita allait rejoindre les grenouilles du fossé. Je n’avais fait à la branche qu’un nœud coulant pour pouvoir ramener la corde à moi. Au bout de cette ligne noire je devais avoir l’air, maigre et brune comme je suis, d’une araignée qui remonte après son fil.

— Chère petite, dit Isabelle en baisant Chiquita au front, tu es une brave et courageuse enfant.

— J’ai vu tes amis, ils t’avaient bien cherchée ; mais sans Chiquita, ils n’auraient jamais découvert ta retraite. Le Capitaine allait et venait comme un lion ; sa tête fumait, ses yeux lançaient des éclairs. Il m’a posée sur l’arçon de sa selle, et il est caché dans un petit bois non loin du château avec ses camarades. Il ne faut pas qu’on les voie. Ce soir, dès que l’ombre sera tombée, ils tenteront ta délivrance ; il y aura des