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VALLOMBREUSE.

se dressait un grand arbre plusieurs fois centenaire, dont les maîtresses branches s’étendaient presque horizontalement moitié sur la terre, moitié sur l’eau du fossé ; mais il s’en fallait de huit ou dix pieds que l’extrémité du plus long branchage atteignît la muraille. C’était sur cet arbre qu’était basé le projet d’évasion de Chiquita. Elle rentra dans la chambre, elle tira d’une de ses poches une cordelette de crin, très-fine, très-serrée, mesurant de sept à huit brasses, la déroula méthodiquement sur le parquet ; tira de son autre poche une sorte d’hameçon de fer qu’elle accrocha à la corde ; puis elle s’approcha de la fenêtre et lança le crochet dans les branches de l’arbre. La première fois l’ongle de fer ne mordit pas et retomba avec la corde en sonnant sur les pierres du mur. À la seconde tentative, la griffe de l’hameçon piqua l’écorce et Chiquita tira la corde à elle, en priant Isabelle de s’y suspendre de tout son poids. La branche accrochée céda autant que la flexibilité du tronc le permettait, et se rapprocha de la croisée de cinq ou six pieds. Alors Chiquita fixa la cordelette après la serrurerie du balcon par un nœud qui ne pouvait glisser et, soulevant son corps frêle avec une agilité singulière, elle se pendit des mains au cordage, et par des déplacements de poignets eut bientôt gagné la branche qu’elle enfourcha dès qu’elle la sentit solide.

« Défais maintenant le nœud de la corde que je la retire à moi, dit-elle à la prisonnière d’une voix basse mais distincte, à moins que tu n’aies envie de me suivre, mais la peur te serrerait le col, et le vertige te