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VALLOMBREUSE.

— Agostin avait commandé ; il fallait obéir. D’ailleurs un autre aurait fait le conducteur de l’aveugle, et je ne serais pas entrée au château avec toi. Ici, je puis te servir peut-être à quelque chose. Je suis courageuse, agile et forte, quoique petite, et je ne veux pas qu’on te fasse mal.

— Est-ce bien loin de Paris, ce château où l’on me tient prisonnière, dit la jeune femme en attirant Chiquita entre ses genoux ; en as-tu entendu prononcer le nom par quelqu’un de ces hommes ?

— Oui, Tordgueule a dit que l’endroit se nommait… comment donc déjà ? fit la petite, en se grattant la tête d’un air d’embarras.

— Tâche de t’en souvenir, mon enfant, dit Isabelle en flattant de la main les joues brunes de Chiquita, qui rougit de plaisir à cette caresse, car jamais personne n’avait eu pareille attention pour elle.

— Je crois que c’est Vallombreuse, répondit Chiquita, syllabe par syllabe comme si elle écoutait un écho intérieur. Oui, Vallombreuse, j’en suis sûre maintenant ; le nom même du seigneur que ton ami le capitaine Fracasse a blessé en duel. Il aurait mieux fait de le tuer. Ce duc est très-méchant, quoiqu’il jette l’or à poignées comme un semeur le grain. Tu le hais, n’est-ce pas ? et tu serais bien contente si tu parvenais à lui échapper.

— Oh ! oui ; mais c’est impossible, dit la jeune comédienne ; un fossé profond entoure le château ; le pont-levis est ramené. Toute évasion est impraticable.

— Chiquita se rit des grilles, des serrures, des