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XVI

VALLOMBREUSE


Isabelle, restée seule dans cette chambre inconnue où le péril pouvait surgir d’un moment à l’autre sous une forme mystérieuse, se sentait le cœur oppressé d’une inexprimable angoisse, quoique sa vie errante l’eût rendue plus courageuse que ne le sont ordinairement les femmes. Le lieu n’avait pourtant rien de sinistre dans son luxe ancien mais bien conservé. Les flammes dansaient joyeusement sur les énormes bûches du foyer ; les bougies jetaient une clarté vive qui, pénétrant jusqu’aux moindres recoins, en chassait avec l’ombre les chimères de la peur. Une douce chaleur y régnait, et tout y conviait aux nonchalances du bien-être. Les peintures des panneaux recevaient trop de lumière pour prendre des aspects fantastiques, et, dans son cadre d’ornementations au-dessus de la cheminée, le portrait d’homme remarqué par Isabelle n’avait pas ce regard fixe et qui cependant semble vous suivre, si effrayant chez certains portraits. Il paraissait plutôt sourire avec une bonté tranquille et protectrice, comme une image de saint qu’on peut invoquer à l’heure du danger. Tout cet ensemble de choses calmes, rassurantes, hospitalières