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LE CAPITAINE FRACASSE.

lui faisaient perler dans le dos des sueurs froides. À chaque instant elle s’attendait à ce qu’une porte s’ouvrît, à ce qu’un panneau se déplaçât, trahissant un corridor secret, et que de ce cadre sombre il sortît quelqu’un, homme ou fantôme. Peut-être même le spectre l’eût-il moins effrayée. Avec le crépuscule qui allait s’assombrissant ses terreurs augmentaient ; un grand laquais entra apportant un flambeau chargé de bougies, elle faillit s’évanouir.

Tandis qu’Isabelle tremblait de frayeur dans son appartement solitaire, ses ravisseurs, en une salle basse, faisaient carousse et chère lie, car ils devaient rester au château comme une sorte de garnison, en cas d’attaque de la part de Sigognac. Ils buvaient tous comme des éponges, mais un d’eux surtout déployait une remarquable puissance d’ingurgitation. C’était l’homme qui avait emporté Isabelle en travers de son cheval, et comme il avait déposé son masque, il était loisible à chacun de contempler sa face blême comme un fromage où flambait un nez chauffé au rouge. À ce nez couleur de guigne, on a reconnu Malartic, l’ami de Lampourde.