Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.
191
MALARTIC À L’ŒUVRE.

seconde, également boisée de chêne, mais d’une ornementation plus recherchée et rehaussée de quelque dorure, des peintures remplaçaient les tapisseries et représentaient des allégories dont le sens eût été assez difficile à découvrir sous les fumées du temps et les couches de vernis jaune ; les noirs avaient repoussé, et seules les portions claires se distinguaient encore. Ces figures de divinités, de nymphes et de héros, se dégageant à demi de l’ombre et n’étant saisissables que par leur côté lumineux, produisaient un effet singulier et qui, le soir, aux clartés douteuses d’une lampe, pouvait devenir effrayant. Le lit occupait une alcôve profonde et se drapait d’un couvre-pied en tapisserie au petit point, rayé de bandes de velours ; le tout fort magnifique, mais amorti de ton. Quelques fils d’or et d’argent brillaient parmi les soies et les laines passées, et des écrasements bleuâtres miroitaient la nuance autrefois rouge de l’étoffe. Une toilette admirablement sculptée inclinait un miroir de Venise qui fit voir à Isabelle la pâleur et l’altération de ses traits. Un grand feu, montrant que la jeune comédienne était attendue, brûlait dans la cheminée, vaste monument supporté par des Hermès à gaines et tout chargé de volutes, consoles, guirlandes et ornements d’une richesse un peu lourde, au milieu desquels était enchâssé un portrait d’homme dont l’expression frappa beaucoup Isabelle. Cette figure ne lui était pas inconnue ; il lui semblait se la rappeler comme au réveil une de ces formes aperçues en rêve et qui, ne s’évanouissant pas avec le songe, vous suivent longtemps