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LE CAPITAINE FRACASSE.

jeune femme placée sur l’arçon ne lui permettait pas de conduire sa monture comme il l’eût voulu, car elle se débattait et s’agitait, tâchant de glisser à terre.

Sigognac se rapprochait de plus en plus, le terrain n’étant plus favorable aux chevaux. Il avait dégainé, sans ralentir sa course, son épée qu’il portait haute ; mais il était à pied, seul, contre trois hommes bien montés, et le vent commençait à lui manquer ; il fit un effort prodigieux, et en deux ou trois bonds joignit les cavaliers qui protégeaient la fuite du ravisseur. Pour ne pas perdre de temps à lutter contre eux, il piqua, à deux ou trois reprises, avec la pointe de sa rapière, la croupe de leurs bêtes, comptant qu’aiguillonnées de la sorte, elles s’emporteraient. En effet, les chevaux, affolés de douleur, se cabrèrent, lancèrent des ruades et, prenant le mors aux dents, quelques efforts que leurs cavaliers fissent pour les contenir, ils gagnèrent à la main et se mirent à galoper comme si le diable les emportait, sans souci des fossés ni des obstacles, si bien qu’en un moment ils furent hors de vue.

Haletant, la figure baignée de sueur, la bouche aride, croyant à chaque minute que son cœur allait éclater dans sa poitrine, Sigognac atteignit enfin l’homme masqué qui tenait Isabelle en travers sur le garrot de sa monture. La jeune femme criait : « À moi, Sigognac, à moi ! » — « Me voici, » râla le Baron d’une voix entrecoupée et sifflante, et de la main gauche il se suspendit à la courroie qui reliait Isabelle au brigand. Il s’efforçait de le tirer à bas, courant à