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MALARTIC À L’ŒUVRE.

homme un salut suprême : le dos convexe, la poitrine concave autant que son bedon le lui permettait, les bras ballants et la tête touchant presque la terre.

Si Hérode eût suivi du regard l’intendant du comte de Pommereuil jusqu’au bout de la rue, peut-être eût-il remarqué, chose contraire aux lois de la perspective, que sa taille grandissait en raison inverse de l’éloignement. Son dos voûté s’était redressé, le tremblement sénile de ses mains avait disparu, et à la vivacité de son allure il ne semblait du tout si goutteux ; mais Hérode était déjà rentré dans la maison et ne vit rien de tout cela.

Le mercredi au matin, comme des garçons d’auberge chargeaient les décorations et paquets sur une charrette attelée de deux forts chevaux et louée par le Tyran pour le transport de la troupe, un grand maraud de laquais en livrée fort propre et chevauchant un bidet percheron, se présenta faisant claquer son fouet à la porte de l’auberge, afin de hâter le départ des comédiens et de leur servir de courrier. Les femmes, qui sont toujours paresseuses au lit et longues à s’attifer, même les comédiennes ayant l’habitude de s’habiller et de se déshabiller en un clin d’œil pour les changements de costumes qu’exige le théâtre, descendirent enfin et s’arrangèrent le plus commodément qu’elles purent sur les planches rembourrées de paille qu’on avait suspendues aux ridelles de la charrette. Le marmouset de la Samaritaine martelait huit heures sur son timbre quand la lourde machine s’ébranla et se mit en marche. On eut en moins d’une