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LE CAPITAINE FRACASSE.

trances sur les dépenses folles et, aux époques des revers, apportent leurs minces épargnes pour soutenir la famille qui les a nourris en ses prospérités.

Hérode ne se pouvait lasser d’admirer la bonne mine et prud’homie de cet intendant, qui, l’ayant salué, lui dit avec paroles courtoises :

« Vous êtes bien cet Hérode qui gouverne, d’une main aussi ferme que celle d’Apollon, la troupe des Muses, cette excellente compagnie dont la renommée se répand par la ville, et en a déjà dépassé l’enceinte ; car elle est venue jusqu’au fond du domaine que mon maître habite.

— C’est moi qui ai cet honneur, répondit Hérode en faisant le salut le plus gracieux que lui permît sa mine rébarbative et tragique.

— Le comte de Pommereuil, reprit le vieillard, désirerait fort, pour divertir des hôtes d’importance, leur offrir la comédie en son château. Il a pensé que nulle troupe mieux que la vôtre ne remplirait ce but, et il m’envoie vous demander s’il vous serait possible d’aller donner une représentation à sa terre, qui n’est distante d’ici que de quelques lieues. Le comte, mon maître, est un seigneur magnifique qui ne regarde pas à la dépense, et à qui rien ne coûtera pour posséder votre illustre compagnie.

— Je ferai tout pour contenter un si galant homme, répondit le Tyran, encore qu’il nous soit difficile de quitter Paris, fût-ce pour quelques jours, au moment le plus vif de notre vogue.

— Trois journées suffiront bien, dit le majordome :