Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
MALARTIC À L’ŒUVRE.

car le roi, sur le bruit qui s’en faisait, les désirait voir ; ce qui réjouissait fort Hérode, chef et caissier de la compagnie. Souvent des personnes de qualité les demandaient pour donner la comédie en leur hôtel, à l’occasion de quelque fête ou régal, à des dames curieuses de voir ces acteurs qui balançaient ceux de l’hôtel de Bourgogne et de la troupe du Marais.

Aussi Hérode ne fut-il pas surpris, accoutumé qu’il était à semblables requêtes, lorsqu’un beau matin, à l’auberge de la rue Dauphine, se présenta une sorte d’intendant ou majordome, d’aspect vénérable comme l’ont ces serviteurs vieillis dans la domesticité des grandes maisons, qui demandait à lui parler de la part de son maître, le comte de Pommereuil, pour affaires de théâtre.

Ce majordome, vêtu de velours noir de la tête aux pieds, avait au cou une chaîne en or de ducats, des bas de soie et des souliers à larges cocardes, carrés du bout, un peu amples, comme il convient à un vieillard qui parfois a les gouttes. Un collet en forme de rabat étalait sa blancheur sur le noir du pourpoint, et relevait le teint de la face basanée par le grand air de la campagne où ressortaient, comme des touches de neige sur une antique sculpture, les sourcils, les moustaches et la barbiche. Ses longs cheveux tout chenus lui tombaient jusqu’aux épaules et lui donnaient la physionomie la plus patriarcale et la plus honnête. Ce devait être un de ces intendants dont la race est perdue, qui soignent la fortune de leur maître plus âprement que la leur propre, font des remon-