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LE CAPITAINE FRACASSE.

nière. Oh ! plus d’un auteur de comédie applaudi au théâtre en l’arrangement de ses pièces devrait consulter Malartic pour la subtilité de ses intrigues, l’invention de ses stratagèmes, le jeu de ses machines. Mérindol, qui le connaît, se portera garant de ses rares qualités. Certes, monsieur le duc ne saurait mieux choisir, et c’est un véritable cadeau que je lui fais. Mais je ne veux pas abuser plus longtemps de la patience de Sa Seigneurie. Quand elle sera décidée, elle n’a qu’à faire tracer par un homme à elle une croix à la craie sur le pilier gauche du Radis couronné. Malartic comprendra et, dûment déguisé, se rendra à l’hôtel Vallombreuse pour prendre les derniers ordres et recorder ses flûtes. »

Ce triomphant discours achevé, maître Jacquemin Lampourde fit exécuter à son feutre les mêmes évolutions qu’il avait déjà décrites en saluant le duc au commencement de l’entretien, l’enfonça sur sa tête, rabattit le bord sur ses yeux et sortit de la chambre à pas comptés et majestueux, satisfait de son éloquence et de sa bonne tenue devant un si grand seigneur.

Cette apparition bizarre, moins étrange cependant en ce siècle de raffinés et de bretteurs qu’elle ne l’eût été à toute autre époque, avait amusé et intéressé le jeune duc de Vallombreuse. Le caractère original de Jacquemin Lampourde, honnête à sa façon, ne lui déplaisait point ; il lui pardonnait même de n’avoir pas réussi à tuer Sigognac. Puisque le Baron avait résisté à ce gladiateur de profession, c’est qu’il était réellement invincible, et la honte d’en avoir été blessé