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LES DÉLICATESSES DE LAMPOURDE.

plus vite, dit Vallombreuse d’un ton qui n’admettait pas de réplique, ou je te fais jeter par les fenêtres sans les ouvrir, toi et ta monnaie. Je ne vis jamais coquin si scrupuleux. Ce n’est pas toi, Mérindol, qui serais capable de ce beau trait à insérer dans les exemples de la jeunesse. »

Comme il vit que le bretteur hésitait, il ajouta : « Je te donne ces pistoles pour boire à ma santé.

— Cela, monsieur le duc, sera religieusement exécuté, répondit Lampourde ; cependant je pense que Sa Seigneurie ne serait pas désobligée si j’en jouais quelques-unes. » En achevant ces mots, il fit un pas vers la table, étendit son bras osseux, saisit la bourse avec une dextérité d’escamoteur et la fit disparaître comme par enchantement dans la profondeur de sa poche où elle heurta, en rendant un son métallique, un cornet de dés et un jeu de cartes. Il était aisé de voir que ce geste lui était beaucoup plus naturel que l’autre, tant il y mettait d’aisance.

« Je me retire de l’affaire en ce qui concerne Sigognac, dit Lampourde, mais elle sera reprise, s’il convient à Votre Seigneurie, par mon alter ego, le chevalier Malartic, à qui l’on peut confier les entreprises les plus hasardeuses, tant il est habile homme. Il a la tête qui conçoit et la main qui exécute. C’est d’ailleurs l’esprit le plus dégagé de préjugés et de superstitions qui soit. J’avais ébauché, pour l’enlèvement de la comédienne à laquelle vous faites l’honneur de vous intéresser, une sorte de plan qu’il achèvera avec ce fini et cette perfection de détails qui caractérisent sa ma-