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UNE TÊTE DANS UNE LUCARNE.

son rôle, elle répondit à ces marques de faveur par une révérence modeste et une gracieuse inclinaison de tête.

Hérode se frottait les mains de joie, et sa large face blême s’épanouissait comme une pleine lune, car la recette était superbe et la caisse risquait de crever par suite d’une pléthore monétaire, tout le monde ayant voulu voir ce fameux capitaine Fracasse, acteur et gentilhomme, que n’effrayaient ni bâtons ni épées, et qui ne craignait pas, valeureux champion de la beauté, de se mesurer avec un duc, terreur des plus braves. Blazius, lui, n’augurait rien de bon de ce triomphe ; il redoutait, non sans raison, l’humeur vindicative de Vallombreuse qui trouverait bien moyen de prendre sa revanche et de jouer quelque mauvais tour à la troupe. Les pots de terre devaient, disait-il, éviter, encore qu’ils n’eussent pas été rompus au premier choc, de se heurter aux pots de fer, le métal étant plus dur que l’argile. Sur quoi Hérode, confiant en l’appui de Sigognac et du marquis, l’appelait poltron, trembleur et claquedents.

Si le Baron n’eût été épris sincèrement d’Isabelle, il eût pu lui faire aisément une infidélité et même deux, car plus d’une beauté lui souriait d’un air fort tendre, malgré son costume extravagant, son nez de carton enluminé de cinabre, et son rôle ridicule qui ne prêtait point aux illusions romanesques. Le succès de Léandre en fut même compromis. En vain il faisait belle jambe, se rengorgeait comme un pigeon pattu, tournait du doigt les boucles de sa perruque, montrait