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LE CAPITAINE FRACASSE.

et l’air de méchanceté avait reparu sur son visage.

« Dites plutôt, reprit-il d’une voix altérée, que vous êtes folle de Sigognac ! Voilà la raison de cette vertu dont vous faites montre. Qu’a-t-il donc pour vous charmer de la sorte cet heureux mortel ? Ne suis-je pas plus beau, plus noble, plus riche, aussi jeune, aussi spirituel, aussi amoureux que lui !

— Il a du moins, répondit Isabelle, une qualité qui vous manque : celle de respecter ce qu’il aime.

— C’est qu’il n’aime pas assez, » fit Vallombreuse en prenant dans ses bras Isabelle dont le corps penchait déjà hors de la fenêtre, et qui, sous l’étreinte de l’audacieux, poussa un faible cri.

Au même instant la porte s’ouvrit. Le Tyran, faisant des courbettes et des révérences outrées, pénétra dans la chambre et s’avança vers Isabelle, qu’aussitôt lâcha Vallombreuse avec une rage profonde d’être ainsi interrompu en ses prouesses amoureuses.

« Pardon, mademoiselle, dit le Tyran en lançant au duc un regard de travers, je ne vous savais pas en si bonne compagnie ; mais l’heure de la répétition a sonné à toutes les horloges, et l’on n’attend plus que vous pour commencer. »

En effet, par la porte entre-bâillée on voyait le Pédant, Scapin, Léandre et Zerbine, qui formaient un groupe rassurant pour la pudeur menacée d’Isabelle. Le duc eut un instant l’idée de fondre l’épée en main sur cette canaille et de la disperser, mais cela eût fait un esclandre inutile ; en tuant ou blessant deux ou trois de ces histrions il n’aurait pas arrangé ses affaires :