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LE CAPITAINE FRACASSE.

chose sinon que vous souffriez ma présence, que vous me permettiez de vous faire ma cour et d’attendrir votre cœur, comme font les amants les plus respectueux.

— Épargnez-moi ces poursuites inutiles, répondit Isabelle, et j’aurai pour vous, à défaut d’amour, une reconnaissance sans bornes.

— Vous n’avez ni père, ni mari, ni amant, dit Vallombreuse, qui se puisse opposer à ce qu’un galant homme vous recherche et tâche de vous agréer. Mes hommages ne sont pas une insulte. Pourquoi me repousser ? Oh ! vous ne savez pas quelle vie splendide j’ouvrirais devant vous si vous consentiez à m’accueillir. Les enchantements des féeries pâliraient à côté des imaginations de mon amour pour vous plaire. Vous marcheriez comme une déesse sur les nuées. Vos pieds ne fouleraient que de l’azur et de la lumière. Toutes les cornes d’abondance répandraient leurs trésors devant vos pas. Vos souhaits n’auraient pas le temps de naître, je les surprendrais dans vos yeux et je les devancerais. Le monde lointain s’effacerait comme un rêve, et d’un même vol, à travers les rayons, nous monterions vers l’Olympe plus beaux, plus heureux, plus enivrés que Psyché et l’Amour. Voyons, Isabelle, ne détournez pas ainsi la tête, ne gardez pas ce silence de mort, ne poussez pas au désespoir une passion qui peut tout, excepté renoncer à elle-même et à vous.

— Cette passion dont toute autre tirerait orgueil, répondit modestement Isabelle, je ne saurais la partager. La vertu que je fais profession d’estimer plus