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LE CAPITAINE FRACASSE.

La vieille remercia le jeune duc et se retira à la reculade jusque vers la porte, sans se prendre les pieds dans ses jupes, avec une habitude que lui avait donnée le théâtre. Là elle se retourna tout d’une pièce et disparut bientôt dans les profondeurs de l’escalier. Resté seul, Vallombreuse sonna son valet de chambre pour qu’il le vînt accommoder.

« Çà, Picard, dit le duc, il te faut surpasser et me faire une toilette triomphante ; je veux être plus beau que Buckingham s’efforçant de plaire à la reine Anne d’Autriche. Si je reviens bredouille de ma chasse à la beauté, tu recevras les étrivières, car je n’ai aucun défaut ou vice à dissimuler postichement.

— Votre Seigneurie a la meilleure grâce du monde, répondit Picard, et chez elle l’Art n’a qu’à mettre la Nature en son lustre. Si monsieur le duc veut s’asseoir devant la glace et se tenir tranquille quelques minutes, je vais le testonner et l’adoniser de telle sorte qu’il ne rencontrera pas de cruelles. »

Ayant dit ces mots, Picard plongea des fers à friser dans une coupe d’argent où, recouverts de cendre, des noyaux d’olive faisaient un feu doux comme celui des braseros espagnols, et quand ils furent chauds au degré juste, ce qu’il reconnut en les approchant de sa joue, il commença à pincer par le bout ces belles boucles d’ébène dont la souplesse ne demandait pas mieux que de se tourner mignardement en spirales.

Lorsque M. le duc de Vallombreuse fut coiffé, et qu’un cosmétique d’un parfum suave mieux flairant que baume eut fixé ses fines moustaches semblables