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LE CAPITAINE FRACASSE.

Flores, Vénus, Charites, Dianes, nymphes chasseresses et bocagères, les maîtresses du jeune duc, accoutrées à la grecque et montrant l’une sa gorge alabastrine, l’autre sa jambe faite au tour, celle-ci des épaules à fossettes, celle-là des charmes plus mystérieux avec un artifice si subtil qu’on eût dit des tableaux dus à la fantaisie du peintre plutôt que des portraits d’après le vif. Les plus prudes avaient cependant posé pour ces peintures qui étaient de Simon Vouet, célèbre maître du temps, croyant faire une faveur unique et ne s’imaginant pas former une galerie.

Au plafond creusé en conque était figurée une toilette de Vénus. La déesse se regardait du coin de l’œil, après avoir été attifée par ses nymphes, à un miroir que lui présentait un grand Cupidon hors de page à qui l’artiste avait donné les traits du duc, mais on voyait bien que son attention était plus pour l’Amour que pour le miroir. Des cabinets incrustés en pierres dures de Florence, bourrés de billets doux, de tresses de cheveux, de bracelets et de bagues et autres témoignages de passions oubliées ; une table de même matière où sur un fond de marbre noir se découpaient des bouquets de fleurs aux couleurs vives, muguetées par des papillons ailés de pierreries ; des fauteuils à pieds tournés en bois d’ébène couverts d’une brocatelle saumon ramagée d’argent, un épais tapis de Smyrne où peut-être s’étaient assises les sultanes, et rapporté de Constantinople par l’ambassadeur de France, composaient l’ameublement aussi riche que