Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/130

Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
DOUBLE ATTAQUE.

par Léonarde prouvait surabondamment qu’elle n’était pas de ces femmes qui marchandent pour se vendre plus cher. Des parures encore plus riches n’eussent pas produit meilleur effet. Puisque Isabelle n’ouvrait même pas les écrins, que servait qu’ils continssent des perles et des diamants à tenter une reine ? L’amour épistolaire ne l’eût pas touchée non plus, quelque élégance et passion que les secrétaires du jeune duc eussent pu mettre à peindre la flamme de leur maître. Elle ne décachetait pas les lettres. Ainsi prose et vers, tirades et sonnets n’auraient fait que mollir. D’ailleurs ces moyens langoureux, bons pour les galants transis, ne congruaient pas à l’humeur entreprenante de Vallombreuse. Il fit appeler dame Léonarde, avec laquelle il n’avait cessé d’entretenir des intelligences secrètes, étant toujours bon de maintenir un espion dans la place, même fût-elle imprenable. Parfois la garnison se relâche, et une poterne est bien vite ouverte, par quoi s’insinue l’ennemi.

Léonarde, par un escalier dérobé, fut introduite en la chambre particulière du duc, où il ne recevait que ses plus intimes amis et fidèles serviteurs. C’était une pièce de forme oblongue, revêtue d’une boiserie à pilastres cannelés d’ordre ionique, dont les entrecolonnements étaient occupés par des cadres ovales d’un goût luxuriant et touffu sculptés dans le bois plein et que semblaient suspendre à la corniche d’un haut relief des nœuds de rubans et des lacs d’amour dorés d’une ingénieuse complication. Ces médaillons renfermaient sous apparences de mythologies, telles que