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XIII

DOUBLE ATTAQUE


Le duc de Vallombreuse n’était pas homme à négliger son amour plus que sa vengeance. S’il haïssait mortellement Sigognac, il avait pour Isabelle une de ces passions furieuses que surexcite le sentiment de l’impossible chez ces âmes hautaines et violentes habituées à ce que rien ne leur résiste. Triompher de la comédienne devenait la pensée dominante de sa vie ; gâté par les faciles victoires qu’il avait remportées en sa carrière galante, il ne pouvait s’expliquer cette défaite, et souvent il se disait, à travers les conversations, les promenades, les exercices au théâtre comme au temple, à la ville comme à la cour, pris d’un étonnement subit en sa rêverie profonde : « Comment se fait-il qu’elle ne m’aime pas ? »

En effet, cela était difficile à comprendre pour quelqu’un qui ne croyait pas à la vertu des femmes, et encore moins à celle des actrices. Il se demandait si la froideur d’Isabelle n’était pas un jeu concerté pour obtenir de lui davantage, rien n’allumant le désir comme ces pudicités feintes et mines de n’y vouloir toucher. Cependant la façon dédaigneuse dont elle avait renvoyé le coffret à bijoux placé dans sa chambre