Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
LE RADIS COURONNÉ.

perflus et venons aux choses sérieuses. J’aurais besoin peut-être, d’ici à peu, de quelques braves à tout poil pour une expédition qu’on me propose, non tant lointaine que celle des Argonautes au pourchas de la toison d’or.

— Belle toison ! fit Malartic le nez dans son verre dont le vin semblait grésiller et bouillir au contact de ce charbon ardent.

— Expédition assez compliquée et dangereuse, poursuivit le bretteur ; je suis chargé de supprimer un certain capitaine Fracasse, baladin de son métier, qui gêne à ce qu’il paraît les amours d’un fort grand seigneur. Pour ce travail, j’y suffirai bien tout seul ; mais il s’agit aussi d’organiser le rapt de la donzelle aimée à la fois du grand et de l’histrion, et qui sera disputée aux ravisseurs par sa compagnie ; dressons une liste d’amis solides et sans scrupules. Que te semble de Piquenterre ?

— Excellent ! répondit Malartic, mais il n’y faut pas compter. Il brandille à Montfaucon, au bout d’une chaîne de fer, en attendant que sa carcasse déchiquetée des oiseaux tombe en la fosse du gibet, sur les ossements des camarades qui l’ont précédé.

— C’est donc cela, dit Lampourde avec le plus beau sang-froid du monde, qu’on ne le voyait pas depuis quelque temps. Ce que c’est que la vie ! Un soir, vous faites tranquillement carousse avec un ami dans un cabaret d’honneur ; puis vous allez chacun de votre côté à vos petites affaires. Huit jours après