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UNE TÊTE DANS UNE LUCARNE.

qui vous aime de toute son âme et pleure des heures entières à votre porte comme un chien renvoyé.

— Ne prononce pas ce nom, Vidalinc, s’écria le duc, si tu veux que nous restions amis. Ces lâches tendresses, qu’aucun outrage ne rebute, me dégoûtent et m’excèdent. Il me faut des froideurs hautaines, des fiertés rebelles, des vertus imprenables ! Comme elle me semble adorable et charmante cette dédaigneuse Isabelle ! Comme je lui sais gré de mépriser mon amour qui sans doute serait déjà passé s’il eût été accueilli ! Certes, elle ne doit point avoir une âme basse et commune, pour refuser, en sa condition, les avances d’un seigneur qui la distingue et qui n’est pas mal fait de sa personne, s’il faut en croire les dames de la ville. Il entre dans ma passion une sorte d’estime que je n’ai pas l’habitude d’accorder aux femmes ; mais comment écarter ce damné gentillâtre, ce Sigognac de malheur que le diable confonde ?

— La chose ne sera pas aisée, dit Vidalinc, à présent qu’il est sur ses gardes. Mais quand même on parviendrait à le supprimer, il resterait toujours l’amour d’Isabelle à son endroit, et vous savez mieux que personne, pour en avoir maintes fois souffert, combien les femmes ont le sentiment têtu.

— Oh ! si je pouvais tuer le Baron, continua Vallombreuse que les arguments du chevalier ne convainquaient point, j’aurais bientôt réduit la donzelle malgré ses airs de prude et de vertueuse. Rien ne s’oublie plus vite qu’un galant défunt. »

Ce n’était point l’avis du chevalier de Vidalinc,