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LE RADIS COURONNÉ.

tion qu’il eût été dangereux que le Chevalier du Guet entendît ; heureusement le Radis couronné était un lieu sûr, aucune mouche n’eût osé s’y risquer, et la trappe de la cave se fût ouverte sous les pieds de l’exempt assez audacieux pour pénétrer dans ce repaire. Il n’en serait sorti que haché menu comme chair à pâté.

« Comment vont les affaires, disait Lampourde à Malartic avec le ton d’un marchand qui se renseigne sur le cours des denrées ; nous sommes dans une morte-saison. Le roi habite Saint-Germain où les courtisans le suivent. Cela fait du tort au commerce ; il n’y a plus à Paris que des bourgeois et des gens de peu ou de rien.

— Ne m’en parle pas ! répondit Malartic, c’est une indignité. L’autre soir j’arrête sur le Pont-Neuf un gaillard d’assez bonne apparence, je lui demande la bourse ou la vie ; il me jette sa bourse, il n’y avait que trois ou quatre pièces de six blancs, et le manteau qu’il me laissa n’était que de serge avec un galon d’or faux. Au lieu d’être le voleur j’étais le volé. Au tripot, on ne rencontre plus que des laquais, des clercs de procureurs ou des enfants précoces qui ont pris dans le tiroir paternel quelques pistoles pour venir tenter la fortune. En deux coups de cartes et trois coups de dés on en a vu la fin. Il est outrageux de déployer ses talents pour un si mince résultat ! Les Lucindes, les Dorimènes, les Cidalises, ordinairement si pitoyables aux braves, se refusent à payer les billets et les notes, encore que nous les rossions d’impor-