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LE CAPITAINE FRACASSE.

de fer d’où pendait une chaîne s’agrafant à la crémaillère, remplaçait la hotte et le tuyau de cheminée, de sorte que tout le haut de la pièce disparaissait à demi dans le brouillard de fumée dont les flocons prenaient lentement un chemin de l’ouverture, si par hasard le vent ne les rabattait pas. Cette fumée avait recouvert les poutres de la toiture d’un glacis de bitume pareil à ceux qu’on voit dans les vieux tableaux, et contrastant avec le crépi de chaux tout récent des murailles.

Autour du foyer, sur trois faces seulement, pour laisser au cuisinier la libre approche de la marmite, des bancs de bois s’équilibraient sur les rugosités du plancher calleux comme la peau d’une monstrueuse orange, à l’aide de tessons de pots ou de fragments de brique. Çà et là flânaient quelques escabeaux formés de trois pieux s’ajustant dans une planchette que l’un d’eux traversait, de manière à soutenir un morceau de bois transversal qui pouvait à la rigueur servir de dossier à des gens peu soucieux de leurs aises, mais qu’un sybarite eût assurément regardé comme un instrument de torture. Une espèce de huche, pratiquée dans une encoignure, complétait cet ameublement où la rudesse du travail n’avait d’égale que la grossièreté de la matière. Des éclats de bois de sapin, plantés dans des fiches de fer, jetaient sur tout cela une lumière rouge et fumeuse dont les tourbillons se réunissaient à une certaine hauteur aux nuages du foyer. Deux ou trois casseroles accrochées le long du mur comme des boucliers aux flancs d’une trirème, si cette comparaison