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L’AUBERGE DU SOLEIL BLEU.

L’auberge du Soleil bleu avait un toit de tuiles, les unes brunies, les autres d’un ton vermeil encore qui témoignaient de réparations récentes, et prouvaient qu’au moins il ne pleuvait pas dans les chambres.

La muraille tournée vers la route était plâtrée d’un crépi à la chaux qui en dissimulait les gerçures et les dégradations, et donnait à la maison un certain air de propreté. Les poutrelles du colombage, formant des X et des losanges, étaient accusées par une peinture rouge à la mode basque. Pour les autres faces l’on avait négligé ce luxe, et les tons terreux du pisé apparaissaient tout crûment. Moins sauvage ou moins pauvre que les autres habitants du hameau, le maître du logis avait fait quelques concessions aux délicatesses de la vie civilisée. La fenêtre de la belle chambre avait des vitres, chose rare à cette époque et en ce pays ; les autres baies contenaient un cadre tendu de canevas ou de papier huilé, ou se bouchaient d’un volet peint du même rouge sang de bœuf que les charpentes de la façade.

Un hangar attenant à la maison pouvait abriter suffisamment les coches et les bêtes. — D’abondantes chevelures de foin passaient entre les barreaux des crèches comme à travers les dents d’un peigne énorme, et de longues auges, creusées dans de vieux troncs de sapin plantés sur des piquets, contenaient l’eau la moins fétide qu’avaient pu fournir les mares voisines.

C’était donc avec raison que maître Chirriguirri prétendait qu’il n’existait pas à dix lieues à la ronde une hôtellerie si commode en bâtiments, si bien four-