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LE CAPITAINE FRACASSE.

dont elle n’était pas contente et qu’elle voulait lui faire retoucher, lorsqu’un soudain éclat de trompe retentit à droite de la route dans les halliers, les branches s’ouvrirent sous le poitrail des chevaux abattant les gaulis, et la jeune Yolande de Foix apparut au milieu du chemin dans toute sa splendeur de Diane chasseresse. L’animation de la course avait amené un incarnat plus riche à ses joues, ses narines roses palpitaient, et son sein battait plus précipitamment sous le velours et l’or de son corsage. Quelques accrocs à sa longue jupe, quelques égratignures aux flancs de son cheval prouvaient que l’intrépide amazone ne redoutait ni les fourrés ni les broussailles : quoique l’ardeur de la noble bête n’eût pas besoin d’être excitée, et que des nœuds de veines gonflées d’un sang généreux se tordissent sur son col blanc d’écume, elle lui chatouillait la croupe du bout d’une cravache dont le pommeau était formé d’une améthyste gravée à son blason, ce qui faisait exécuter à l’animal des sauts et des courbettes, à la grande admiration de trois ou quatre jeunes gentilshommes richement costumés et montés, qui applaudissaient à la grâce hardie de cette nouvelle Bradamante. Bientôt Yolande, rendant la main à son cheval, fit cesser ces semblants de défense et passa rapidement devant Sigognac, sur qui elle laissa tomber un regard tout chargé de dédain et d’aristocratique insolence.

« Voyez donc, dit-elle aux trois godelureaux qui galopaient après elle, le baron de Sigognac qui s’est fait chevalier d’une bohémienne ! »