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LE CAPITAINE FRACASSE.

meil lourd rendait hideuse cette face qui, éveillée et vivifiée par l’esprit, paraissait joviale ; incliné ainsi sur le bord de la table, le Pédant faisait l’effet d’un vieil égipan crevé de débauche au revers d’un fossé à la suite d’une bacchanale. Le Tyran se maintenait assez bien avec sa figure blafarde et sa barbe de crin noir ; sa tête d’Hercule bonasse et de bourreau paterne ne pouvait guère changer. La soubrette supportait aussi passablement la visite indiscrète du jour ; elle n’était point trop défaite. Ses yeux cerclés d’une meurtrissure un peu plus brune, ses joues martelées de quelques marbrures violâtres trahissaient seuls la fatigue d’une nuit mal dormie. Un lubrique rayon de soleil, se glissant à travers les bouteilles vides, les verres à demi pleins et les victuailles effondrées, allait caresser le menton et la bouche de la jeune fille comme un faune qui agace une nymphe endormie. Les chastes douairières de la tapisserie au teint bilieux tâchaient de rougir sous leur vernis à la vue de leur solitude violée par ce campement de bohèmes, et la salle du festin présentait un aspect à la fois sinistre et grotesque.

La soubrette s’éveilla la première sous ce baiser matinal ; elle se dressa sur ses petits pieds, secoua ses jupes comme un oiseau ses plumes, passa la paume de ses mains sur ses cheveux pour leur redonner quelque lustre, et, voyant que le baron de Sigognac était assis sur son fauteuil, l’œil clair comme un basilic, elle se dirigea de son côté, et le salua d’une jolie révérence de comédie.