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LE CHARIOT DE THESPIS.
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de près, rougissaient et trahissaient le clinquant ; plusieurs aiguillettes avaient perdu leurs ferrets, et la passementerie éraillée des brandebourgs se défilait par endroits ; les plumes énervées battaient flasquement sur les bords du feutre, les cheveux étaient un peu défrisés, et quelques fétus de paille, ramassés dans la charrette, se mêlaient assez pauvrement à leur opulence.

Ces petites misères de détail n’empêchaient pas donna Sérafina d’avoir un port de reine sans royaume. Si son habit était fané, sa figure était fraîche, et, d’ailleurs, cette mise paraissait la plus éblouissante du monde au jeune baron de Sigognac, peu habitué à de pareilles magnificences, et qui n’avait jamais vu que des paysannes vêtues d’une jupe de bure et d’une cape de calmande. Il était, du reste, trop occupé des yeux de la belle pour faire attention aux éraillures de son costume.

L’Isabelle était plus jeune que la donna Sérafina, ainsi que l’exigeait son emploi d’ingénue ; elle ne poussait pas non plus aussi loin la braverie du costume et se bornait à une élégante et bourgeoise simplicité, comme il convient à la fille de Cassandre. Elle avait le visage mignon, presque enfantin encore, de beaux cheveux d’un châtain soyeux, l’œil voilé par de longs cils, la bouche en cœur et petite, et un air de modestie virginale, plus naturel que feint. Un corsage de taffetas gris, agrémenté de velours noir et de jais, s’allongeait en pointe sur une jupe de même couleur ; une fraise, légèrement empesée, se dressait