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LE CHARIOT DE THESPIS.

meubles et des tentures était moins visible, et le spectre pâle de la misère semblait avoir abandonné le château pour quelques instants.

Sigognac, à qui cette surprise avait d’abord été désagréable, se laissait aller à une sensation de bien-être inconnue. L’Isabelle, donna Sérafina, et même la soubrette, lui troublaient doucement l’imagination et lui faisaient l’effet plutôt de divinités descendues sur la terre que de simples mortelles. C’étaient, en effet, de fort jolies femmes et qui eussent préoccupé de moins novices que notre jeune baron. Tout cela lui produisait l’effet d’un rêve, et il craignait à tout moment de se réveiller.

Le Baron donna la main à donna Sérafina, qu’il fit asseoir à sa droite. Isabelle prit place à gauche, la soubrette se mit en face, la duègne s’établit à côté du Pédant, Léandre et le Matamore s’assirent où ils voulurent. Le jeune maître du château put alors étudier tout à son aise les physionomies de ses hôtes vivement éclairées et ressortant avec un plein relief. Son examen porta d’abord sur les femmes, dont il ne serait pas hors de propos de tirer ici un léger crayon, tandis que le Pédant pratique une brèche aux remparts du pâté.

La Sérafina était une jeune femme de vingt-quatre à vingt-cinq ans, à qui l’habitude de jouer les grandes coquettes avait donné l’air du monde et autant de manège qu’à une dame de cour. Sa figure, d’un ovale un peu allongé, son nez légèrement aquilin, ses yeux gris à fleur de tête, sa bouche rouge, dont la lèvre