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LE CHARIOT DE THESPIS.

— Si je comprends bien ce que vous dites, vous êtes des comédiens de province en tournée et vous avez dévié du droit chemin ?

— On ne saurait mieux élucider mes paroles, répondit l’acteur, et vous parlez de cire. Puis-je espérer que Votre Seigneurie m’accorde ma requête ?

— Quoique ma demeure soit assez délabrée et que je n’aie pas grand’chose à vous offrir, vous y serez toujours un peu moins mal qu’en plein air par une pluie battante. »

Le Pédant, car tel paraissait être son emploi dans la troupe, s’inclina en signe d’assentiment.

Pendant ce colloque, Pierre, éveillé par les abois de Miraut, s’était levé et avait rejoint son maître sous le porche. Mis au fait de ce qui se passait, il alluma une lanterne, et tous trois se dirigèrent vers la charrette embourbée.

Le Léandre et le Matamore poussaient à la roue, et le Roi piquait les bœufs de son poignard tragique. Les femmes, enveloppées de leurs manteaux, se désespéraient, geignaient et poussaient de petits cris. Ce renfort inattendu, et surtout l’expérience de Pierre, eurent bientôt fait franchir le mauvais pas au lourd chariot, qui, dirigé sur un terrain plus ferme, atteignit le château, passa sous la voûte ogivale et fut rangé dans la cour.

Les bœufs dételés allèrent prendre place à l’écurie à côté du bidet blanc ; les comédiennes sautèrent à bas de la charrette, faisant bouffer leurs jupes fripées, et montèrent, guidées par Sigognac, dans la salle à man-