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COUPS D’ÉPÉE, COUPS DE BÂTON, ETC.

Chacun se mit sur son terrain, prit son épée et tomba en garde.

« Allez, messieurs, et faites en gens de cœur, dit le marquis.

— La recommandation est inutile, fit le chevalier de Vidalinc ; ils vont se battre comme des lions. Ce sera un duel superbe. »

Vallombreuse, qui, au fond, ne pouvait s’empêcher de mépriser un peu Sigognac et s’imaginait de ne rencontrer qu’un faible adversaire, fut surpris, lorsqu’il eut négligemment tâté le fer du Baron, de trouver une lame souple et ferme qui déjouait la sienne avec une admirable aisance. Il devint plus attentif, puis essaya quelques feintes aussitôt devinées. Au moindre jour qu’il laissait, la pointe de Sigognac s’avançait, nécessitant une prompte parade. Il risqua une attaque ; son épée, écartée par une riposte savante, le laissa découvert et, s’il ne se fût brusquement penché en arrière, il eût été atteint en pleine poitrine. Pour le duc, la face du combat changeait. Il avait cru pouvoir le diriger à son gré, et après quelques passes, blesser Sigognac où il voudrait au moyen d’une botte qui jusque-là lui avait toujours réussi. Non seulement il n’était plus maître d’attaquer à son gré, mais il avait besoin de toute son habileté pour se défendre. Quoi qu’il fît pour rester de sang-froid, la colère le gagnait ; il se sentait devenir nerveux et fébrile, tandis que Sigognac, impassible, semblait, par sa garde irréprochable, prendre plaisir à l’irriter.

« Ne ferons-nous rien pendant que nos amis s’es-