Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/362

Cette page a été validée par deux contributeurs.
354
LE CAPITAINE FRACASSE.

les femmes se penchèrent l’une vers l’autre en chuchotant, et une jeune personne, récemment sortie du couvent, ne put s’empêcher de dire avec une naïveté qui lui valut une semonce de sa mère : « Il est charmant ! »

Cette petite fille en sa candeur exprimait l’idée secrète des femmes plus usagées, et peut-être de sa propre mère. Elle devint toute rouge à la remontrance, ne sonna plus mot, et tint les yeux fixés sur la pointe de son busc, non cependant sans les relever d’une façon furtive quand on ne la surveillait point.

Mais certes, la plus émue parmi toutes, c’était la dame masquée. La palpitation précipitée de sa gorge, qui soulevait ses dentelles, le léger tremblement de l’éventail dans sa main, la pose penchée qu’elle avait prise sur le rebord de sa loge pour ne rien perdre du spectacle eussent trahi l’intérêt qu’elle portait au Léandre, si quelqu’un eût pris le loisir de l’observer. Heureusement, tous les yeux étaient tournés vers la scène, ce qui lui donna le temps de se remettre.

Lygdamon, comme chacun sait, car il n’est personne qui ignore les productions de l’illustre Georges de Scudéry, ouvre la scène par un monologue fort touchant et pathétique, où l’amant rebuté de Sylvie agite cette question importante de savoir comment il mettra fin à une existence que les rigueurs de sa belle lui rendent insupportable. Choisira-t-il, pour terminer ses tristes jours, le licol ou l’épée ? Se précipitera-t-il du haut d’une roche ? Fera-t-il un plongeon dans la rivière, afin de noyer sa flamme sous l’onde ?