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COUPS D’ÉPÉE, COUPS DE BÂTON, ETC.

et dont le fond d’or se ramageait de grandes fleurs noires veloutées ; Vallombreuse en serra les cordons sur ses hanches, de manière à faire voir sa taille fine, s’assit dans un fauteuil, prit un air d’insouciance et dit au laquais : « Maintenant fais entrer.

— Monsieur le marquis de Bruyères, fit Picard en ouvrant la porte à deux battants.

— Bonjour, marquis, dit le jeune duc de Vallombreuse en se soulevant à demi de son fauteuil, et soyez le bienvenu, quel que soit le sujet qui vous amène. Picard, avance un siège à monsieur. Excusez-moi si je vous reçois dans cette chambre en désordre et sous ce déshabillé matinal ; n’y voyez pas un manque de civilité, mais une marque d’empressement.

— Pardonnez, répliqua le marquis, l’insistance sauvage que j’ai mise à troubler votre sommeil, occupé peut-être de quelque rêve délicieux, mais je suis chargé près de vous d’une mission qui ne souffre pas de retard entre gentilshommes.

— Vous me piquez la curiosité au vif, répondit Vallombreuse ; je ne devine point quelle peut être cette affaire urgente.

— Sans doute, monsieur le duc, dit le marquis de Bruyères, vous avez oublié certaines circonstances de la soirée d’hier. De si minces détails ne sont point faits pour se graver en votre souvenir. Aussi vais-je aider votre mémoire, si vous le permettez. Au foyer des comédiennes, vous avez daigné honorer d’une attention particulière une jeune personne qui joue les ingénues : Isabelle, je crois. Et par une badinerie que,