Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/350

Cette page a été validée par deux contributeurs.
342
LE CAPITAINE FRACASSE.

un morceau de la bannière qui conduisait jadis les cent lances du baron Palamède de Sigognac contre l’ost des Sarrasins.

« Je ne crois pas, dit le marquis, qu’il soit besoin, en cette occurrence, de faire vos preuves comme devant un héraut d’armes ; il suffira de ma parole, dont personne n’a jamais douté. Cependant comme il se peut que le duc de Vallombreuse, par extravagant dédain et folle outrecuidance, feigne de ne voir en vous que le capitaine Fracasse, comédien aux gages du sieur Hérode, je vais toujours prendre ces pièces que mon valet portera au cas qu’il les faille produire.

— Vous ferez ce que vous jugerez à propos, répondit Sigognac ; je m’en fie à votre sagesse et je remets mon honneur entre vos mains.

— Il n’y périclitera pas, répondit M. de Bruyères, soyez-en sûr, et nous aurons raison de ce duc outrageux dont les façons altières me choquent plus qu’assez. Le tortil du baron, les feuilles d’aches et les perles du marquis valent bien les pointes de la couronne ducale, quand la race est ancienne et la filiation pure de tout mélange. Mais c’est assez parler, il faut agir. Les paroles sont femelles, les actions mâles, et la lessive de l’honneur ne se coule qu’avec du sang, comme disent les Espagnols. »

Là-dessus le marquis appela son valet, lui remit la liasse de papiers, et sortit de l’auberge pour aller à l’hôtel Vallombreuse s’acquitter de sa mission.

Il ne faisait pas encore jour chez le Duc, qui, agité et coléré par les événements de la veille, ne s’était as-