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COUPS D’ÉPÉE, COUPS DE BÂTON, ETC.

si furieusement contre nous que, d’assailli devenu assaillant, il a couché en moins de rien Azolan et Basque sur le carreau. Sous ses coups ils sont tombés comme capucins de cartes, et pourtant ce sont de rudes compagnons. Labriche a été mis bas par un autre baladin au moyen d’un tour subtil de gymnastique, et sa nuque maintenant sait combien est dur le pavé de Poitiers. Moi-même j’ai eu mon bâton cassé sous la massue du sieur Hérode, et l’épaule froissée de façon à ne pas me servir de mon bras d’ici à quinze jours.

— Vous n’êtes que des veaux, des gavaches et des ruffians sans adresse, sans dévouement et sans courage ! s’écria le duc de Vallombreuse outré de fureur. Une vieille femme vous mettrait en fuite avec sa quenouille. J’ai eu bien tort de vous sauver de la potence et des galères ! autant vaudrait avoir d’honnêtes gens à son service : ils ne seraient ni plus gauches ni plus lâches ! Puisque les bâtons ne suffisaient pas, il fallait prendre les épées !

— Monseigneur, reprit Mérindol, avait commandé une bastonnade et non un assassinat. Nous n’aurions osé prendre sur nous d’outre-passer ses ordres.

— Voilà, dit en riant Vidalinc, un coquin formaliste, ponctuel et consciencieux. J’aime cette candeur dans le guet-apens ; qu’en dites-vous ? Cette petite aventure s’emmanche d’une façon assez romanesque et qui doit vous plaire, Vallombreuse, puisque les facilités vous rebutent et que les obstacles vous charment. Pour une comédienne, l’Isabelle me paraît de laborieuse approche ; elle habite une tour sans pont-