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LE CAPITAINE FRACASSE.

À partir de cet endroit de la pièce, Zerbine fit feu des quatre pieds et joua avec une verve enragée. Elle semblait lumineuse à force de gaieté, d’esprit et d’ardeur. Le marquis comprit qu’il ne pourrait plus se passer désormais de cette âcre sensation. Toutes les autres femmes dont il avait eu les bonnes grâces, et qu’il opposait en souvenir à Zerbine, lui parurent ternes, ennuyeuses et fades.

La pièce de M. de Scudéry qu’on répéta ensuite fit plaisir quoique moins amusante, et Léandre, chargé du rôle de Lygdamon, y fut charmant ; mais puisque nous sommes fixés sur le talent de nos comédiens, laissons-les à leurs affaires et suivons le duc de Vallombreuse et son ami Vidalinc.

Outré de fureur après cette scène où il n’avait pas eu l’avantage, le jeune duc était rentré à l’hôtel Vallombreuse avec son confident, méditant mille projets de vengeance ; les plus doux ne tendaient à rien moins qu’à faire bâtonner l’insolent capitaine jusques à le laisser pour mort sur la place.

Vidalinc cherchait en vain à le calmer ; le duc se tordait les mains de rage et courait par la chambre comme un forcené, donnant des coups de poing aux fauteuils qui tombaient comiquement les quatre fers en l’air, renversant les tables et faisant, pour passer sa fureur, toutes sortes de dégâts ; puis il saisit un vase du Japon et le lança contre le parquet, où il se brisa en mille morceaux.

« Oh ! s’écriait-il, je voudrais pouvoir casser ce drôle comme ce vase, et le piétiner, et en balayer les