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LES CHOSES SE COMPLIQUENT.

Pour se conformer à l’esprit de son rôle, il marchait la hanche en avant et fendu comme un compas, d’un air outrageux et provocant comme il sied à un capitaine Fracasse.

« Vous êtes vraiment très-bien, lui dit Isabelle qu’il vint saluer, et jamais capitan espagnol n’eut mine plus superbement arrogante. »

Le duc de Vallombreuse toisa avec la plus dédaigneuse hauteur ce nouveau venu à qui la jeune comédienne parlait d’un ton si doux : Voilà apparemment le faquin dont on la prétend amoureuse, se dit-il à lui-même, tout enfiellé de dépit, car il ne concevait point qu’une femme pût hésiter un instant entre le jeune et splendide duc de Vallombreuse et ce ridicule histrion.

Au reste, il fit semblant de ne pas s’apercevoir que Sigognac fût là. Il ne comptait pas plus sa présence que celle d’un meuble. Pour lui ce n’était pas un homme, mais une chose, et il agissait devant le Baron avec la même liberté que s’il eût été seul, couvant Isabelle de ses regards enflammés qui s’arrêtaient sur une naissance de gorge laissée à découvert par l’échancrure de la chemisette.

Isabelle, confuse, se sentait rougir, malgré elle, sous ce regard insolemment fixe, chaud comme un jet de plomb fondu, et elle se hâtait de terminer sa toilette pour s’y dérober, d’autant plus qu’elle voyait la main de Sigognac, furieux, se crisper convulsivement sur le pommeau de sa rapière.

Elle se posa une mouche au coin de la lèvre et fit