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LE CAPITAINE FRACASSE.
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nait, gardait la plus extrême réserve et ne détournait pas sa vue du miroir. Elle ne semblait pas s’être aperçue qu’il y avait devant elle planté un des plus beaux seigneurs de la France, mais c’était une singulière fille qu’Isabelle.

Ennuyé de cette pose, Vallombreuse prit son parti brusquement et dit à la comédienne :

« N’est-ce pas vous, mademoiselle, qui jouez Sylvie dans la pièce de Lygdamon et Lydias de M. de Scudéry ?

— Oui, monsieur, répondit Isabelle qui ne pouvait se soustraire à cette question habilement banale.

— Jamais rôle n’aura été mieux rempli, continua Vallombreuse. S’il est mauvais, vous le rendrez bon ; s’il est bon, vous le ferez excellent. Heureux les poëtes qui confient leurs vers à ces belles lèvres ! »

Ces vagues compliments ne sortaient pas des galanteries que les gens qui ont de la politesse adressent d’habitude aux comédiennes, et Isabelle dut les accepter, en remerciant le duc d’une faible inclination de tête.

Sigognac ayant, avec l’aide de Blazius, achevé de s’habiller en la logette du jeu de paume réservée aux comédiens, rentra dans la chambre des actrices pour attendre que la répétition commençât. Il était masqué et avait déjà bouclé le ceinturon de la grande rapière à lourde coquille, terminée par une toile d’araignée, héritage du pauvre Matamore. Sa cape écarlate déchiquetée en barbe d’écrevisse flottait bizarrement sur ses épaules et le bout de l’épée en relevait le bord.