Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.
290
LE CAPITAINE FRACASSE.

je vous le montre pour vous prouver que ce n’est pas la misère qui me ramène au bercail, mais le pur amour de l’art. Quant à vous, mes vieux, si vous êtes bas percés, plongez vos pattes là-dedans et prenez-en tant que vos cinq doigts en pourront tenir, et même mettez-y le pouce à la mode d’Allemagne. »

Les comédiens la remercièrent de sa générosité, affirmant qu’ils n’avaient besoin de rien.

« Eh bien ! dit Zerbine, ce sera pour une autre fois, je vous le garderai en ma cassette comme fidèle trésorière.

— Tu as donc abandonné ce pauvre marquis, dit Blazius d’un air de componction ; car tu n’es pas de celles qu’on délaisse. Le rôle d’Ariane ne te va point, mais bien celui de Circé. C’était pourtant un magnifique seigneur, bien fait de sa personne, ayant l’air de la cour, spirituel et digne en tout point d’être aimé plus longtemps.

— Mon intention, répondit Zerbine, est bien de le garder comme une bague à mon doigt et le plus précieux joyau de mon écrin. Je ne l’abandonne nullement, et si je l’ai quitté, c’est afin qu’il me suivît.

Fugax sequax, sequax fugax, reprit le Pédant ; ces quatre mots latins à consonance cabalistique, qui semblent un coassement de batraciens emprunté à la comédie des Grenouilles du sieur Aristophane, poëte athénien, contiennent la moelle des théories amoureuses et peuvent servir de règle de conduite pour le sexe tant viril que féminin.

— Et que chante ton latin, vieux Pédant, fit Zer-