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LE CAPITAINE FRACASSE.

là, quand une sonnerie argentine de grelots se fit entendre devant le porche de l’hôtel ; bientôt des pas vifs et cadencés tintèrent sur le pavé de la cour, et les causeurs s’accoudant à la balustrade de la galerie où ils se promenaient, aperçurent trois mules harnachées à l’espagnole, avec plumets sur la tête, broderies, houppes de laine, grappes de clochettes et couvertures rayées. Le tout fort propre et magnifique, ne sentant en rien la bête de louage.

Sur la première était monté un maraud de laquais, en livrée grise, portant le couteau de chasse à la ceinture et l’arquebuse en travers de l’arçon, l’air insolent comme un grand seigneur et qui autrement vêtu eût bien pu passer pour maître. Il tirait après lui par une longe entortillée autour de son bras la seconde mule chargée de deux énormes paquets équilibrés de chaque côté du bât et recouverts d’une cape de muestra valencienne.

La troisième mule, de meilleure mine et de plus fière allure encore que les deux autres, portait une jeune femme chaudement embossée dans un manteau garni de fourrures et coiffée d’un chapeau de feutre gris à plume rouge rabattu sur les yeux.

« Hé, dit Blazius au Tyran, ce cortège ne te rappelle-t-il point quelque chose ? Il me semble que ce n’est pas la première fois que j’entends tinter ces grelots.

— Par saint Alipantin ! répondit le Tyran, ce sont les propres mules qui vinrent enlever Zerbine au carrefour de la Croix. Quand on parle du loup…