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LES CHOSES SE COMPLIQUENT.

des paravents qui entouraient les toilettes des actrices et formaient des espèces de loges. Toutes les places marquées étaient retenues d’avance, et la recette promettait d’être bonne.

« Quel dommage, disait le Tyran à Blazius en énumérant les pièces qu’il serait bon de jouer, quel dommage que Zerbine nous manque ! Une soubrette est à vrai dire le grain de sel, mica salis, et le piment des comédies. Sa gaieté étincelante illumine la scène ; elle ravive les endroits languissants, et force le rire qui ne veut point se décider, en montrant ses trente-deux perles orlées de carmin vif. Par son caquetage, son impertinence et sa lascivité, elle fait valoir les afféteries pudiques, mollesses de langage et roucoulements de l’amoureuse. Les couleurs tranchées de sa cotte hardie amusent l’œil, et elle peut découvrir jusqu’aux jarretières, ou peu s’en faut, une jambe fine moulée dans un bas rouge à coins d’or, perspective agréable aux jeunes comme aux vieux, aux vieux surtout dont elle réveille la salacité endormie.

— Certes, répondit Blazius, la soubrette est un condiment précieux, une boîte aux épices qui saupoudre à propos la fadeur des comédies du temps. Mais il faut bien nous en passer. Ni Isabelle ni Sérafine ne peuvent remplir ce rôle. D’ailleurs nous avons besoin d’une amoureuse et d’une grande coquette. Le diable soit de ce marquis de Bruyères qui nous a enlevé la perle, le phénix et le parangon des soubrettes en la personne de l’incomparable Zerbine ! »

La conversation entre les deux comédiens en était