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LES CHOSES SE COMPLIQUENT.

des rampes, les balustres des galeries n’avaient pas un grain de poussière. Les tuiles neuves, dont les cannelures conservaient encore quelques minces filets de neige, brillaient gaiement au soleil d’hiver avec leur teinte d’un rouge vif. Des cheminées montaient en spirale des fumées de bon augure. Au bas du perron, son bonnet à la main, se tenait l’aubergiste, gaillard de vaste corpulence, faisant l’éloge de sa cuisine par les trois plis de son menton, et celui de son cellier par la belle teinte pourpre de sa face, qui semblait frottée de mûres comme le masque de Silène, ce bon ivrogne, précepteur de Bacchus. Un sourire qui allait de l’une à l’autre oreille ballonnait ses joues grasses et rapetissait ses yeux narquois dont l’angle externe disparaissait dans une patte d’oie de rides facétieuses. Il était si frais, si gras, si vermeil, si ragoûtant, si bien à point, qu’il donnait envie de le mettre à la broche et de le manger arrosé de son propre jus !

Quand il vit le Tyran, qu’il connaissait de longue date et savait bonne paye, sa belle humeur redoubla, car les comédiens attirent du monde, et les jeunes gens de la ville se mettent en dépenses de collations, festins, soupers et autres régals pour traiter les actrices et gagner les bonnes grâces de ces coquettes par friandises, vins fins, dragées, confitures et telles menues délicatesses.

« Quelle bonne chance vous amène ? seigneur Hérode, dit l’hôtelier ; il y a longtemps qu’on ne vous a vu aux Armes de France.

— C’est vrai, répondit le Tyran, mais il ne faut pas