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LE CAPITAINE FRACASSE.

nait à leur tête et modérait leur allure, car ils hâtaient le pas, subodorant de loin le chaud parfum de l’écurie. À travers les rues tortueuses de la ville, sur le pavé raboteux les roues grondaient, les fers sonnaient avec un bruit gai qui attirait le monde aux fenêtres et devant la porte de l’auberge ; pour se faire ouvrir, le conducteur exécuta une joyeuse mousquetade de coups de fouet, à laquelle les bêtes répondirent par de brusques frissons qui mirent en branle le carillon de leurs sonnettes.

Cela ne ressemblait pas à la façon piteuse, misérable et furtive dont les comédiens abordaient naguère les plus maussades bouchons. Aussi l’hôtelier des Armes de France comprit-il, à ce triomphant vacarme, que les nouveaux venus avaient de l’argent, et courut-il lui-même ouvrir à deux battants la porte charretière.

L’Hôtel des Armes de France était la plus belle auberge de Poitiers et celle où s’arrêtaient volontiers les voyageurs bien nés et riches. La cour où pénétra le chariot avait fort bon air. Des bâtiments très-propres l’entouraient, ornés sur les quatre façades d’un balcon couvert ou corridor en applique et soutenu par des potences de fer, disposition commode permettant d’accéder aux chambres dont les fenêtres prenaient jour à l’extérieur et facilitant le service des laquais. Au fond de la cour une arcade s’ouvrait, donnant passage sur les communs, cuisines, écuries et hangars.

Un air de prospérité régnait sur tout cela. Récemment crépies, les murailles égayaient l’œil ; le bois